Le Petit Chaperon rouge
Le Petit Chaperon rouge est un conte de tradition orale d'origine française
Il est surtout connu par le biais de deux versions collectées, retranscrites et interprétées par les moralistes Charles Perrault en France et les frères Grimm en Allemagne. Depuis le milieu du XXe siècle, il a fait l'objet de nombreux détournements, opérant notamment un retour aux sources de la tradition orale et populaire du conte.
Versions originelles du conte
Le Petit Chaperon rouge est un conte de la tradition populaire française qui a connu de nombreuses versions au cours de l’histoire et selon les pays où il a été repris. On dénombre une centaine de variantes du conte.
Les paysans français racontaient l’histoire dès le XIVe siècle. L'une des versions orales du conte est des plus sanglantes : le loup, arrivé chez la mère-grand, la dévore en gardant toutefois un peu de côté, et prend sa place. Le petit garçon arrive et, ne se doutant de rien, obéit à la fausse grand-mère lui disant de manger un peu de viande et de boire un peu de vin, en fait la chair et le sang de l'aïeule (le petit garçon s'interrogerait même quant aux dents présentes dans la chair, question à laquelle le loup lui répondrait qu'il s'agit de haricots).
Une version de l'histoire du Petit Chaperon rouge est sculptée au palais Jacques-Cœur de Bourges (en France), palais du XVe siècle, ce qui atteste encore de l'ancienneté de ce conte populaire.
On retrouve trace de l’histoire d'un Petit Chaperon rouge dans la tradition orale de nombreux pays européens, sous différentes versions, antérieures au XVIIe siècle. Dans ses versions européennes, le conte oppose le plus souvent, dans une convention toute médiévale, l’univers sûr du village aux dangers de la forêt, même si aucune version écrite ne remonte à cette époque. En fait la version écrite la plus ancienne remonte à un poème « De puella a lupellis servata » compris dans le recueil Fecunda ratis, rédigé au Xe siècle par l’écolâtre Egbert de Liège.
L’anthropologue britannique Jamie Tehrani, de l’Université de Durham, a ainsi mené une étude mathématique sur 58 variantes du conte en se concentrant sur 72 variables (nombre et sexe des protagonistes, le type d'animal, la fin, les ruses utilisées, etc.) : cette étude présente cependant de nombreux problèmes. Dans certaines des versions les plus anciennes, le Petit Chaperon rouge est un jeune homme déguisé en fille et envoyé par Mère-Grand dans la forêt hostile entourant le village pour tuer le loup. Le conte porte d'abord sur le travestissement et la dissimulation. La couleur du Chaperon servant au travestissement est une référence symbolique au meurtre du Loup. Dans la version italienne, intitulée La Finta Nonna (La Fausse Grand-mère), la petite fille l’emporte sur le Loup grâce à sa propre ruse, sans l’aide d’un homme ou d’une femme plus âgée. Dans cette version également, le conte insiste sur la dissimulation et la ruse.
Le conte du Petit Chaperon rouge est devenu l’un des plus populaires en Europe et dans le monde grâce à la grande versatilité de la situation triangulaire entre le Petit Chaperon rouge, le loup et mère-Grand. Il permettait aux conteurs de proposer différentes variantes en fonction de leur public et de l'objectif visé.
Le personnage du chasseur (ou d'un bûcheron, selon les versions), inexistant au départ, n'apparaîtra que dans une des versions les plus tardives du conte, celle des frères Grimm, reléguant le Petit Chaperon rouge, qu'il soit homme ou femme, dans un rôle plus passif.
Il existe un conte chinois semblable. Dans celui-ci, c'est la grand-mère qui se rend chez ses trois petites-filles. Elle rencontre le loup, qui, après l'avoir interrogée, la tue et prend son apparence dans le but de tromper et de manger les trois filles. Ces dernières, cependant, finissent par comprendre l'imposture et par tuer le loup par la ruse, même si la grand-mère est tuée. On peut aussi citer des contes coréens comparables, où l'agresseur est un tigre tandis que les victimes sont une mère et ses enfants, au moins un garçon et une fille.
Versions des moralistes
Versions de Charles Perrault
La plus ancienne version retranscrite et figée est celle de Charles Perrault, parue dans Histoires ou contes du temps passé, avec des moralités le 11 janvier 1697. Cette version est plus malheureuse et plus moralisatrice que celles qui suivront. L’héroïne en est une jeune fille bien élevée, la plus jolie du village, qui court à sa perte en donnant au loup qu’elle rencontre dans la forêt les indications nécessaires pour trouver la maison de sa grand-mère. Le loup mange la vieille dame en se cachant des bûcherons qui travaillent dans la forêt voisine. Il tend ensuite un piège au Petit Chaperon rouge et finit par la manger. L’histoire se termine ainsi, sur la victoire du loup.
Versions des frères Grimm
Au XIXe siècle, deux versions distinctes furent rapportées par Jacob et Wilhelm Grimm : la première par Jeanette Hassenpflug (de) (1791–1860) et la seconde par Marie Hassenpflug (1788–1856). Les deux frères firent de la première version l’histoire principale et de la seconde une suite. L’histoire de Rotkäppchen (La Capuche rouge) parut dans la première édition de leur collection Kinder- und Hausmärchen (Contes de l'enfance et du foyer, 1812). Dans cette version, la fillette et sa grand-mère sont sauvées par un chasseur qui suivait la piste du Loup. La suite montre la fillette et sa grand-mère piégeant et tuant un autre loup, anticipant ses gestes grâce à l’expérience acquise au cours de la première histoire. Les frères Grimm modifièrent l’histoire dans les éditions postérieures, jusqu’à atteindre la version la plus connue dans l’édition de 1857. Cette version édulcorée, largement répandue, raconte l’histoire d’une petite fille qui traverse la forêt pour apporter un morceau de galette, du beurre à sa grand-mère. En chemin, la fillette fait la rencontre d’un loup, qui la piège à la fin et la dévore elle et sa grand-mère. Un chasseur vient néanmoins pour les sauver en ouvrant le ventre du Loup. Le Petit Chaperon rouge et sa grand-mère en sortent saines et sauves.
Charles Perrault
Charles Perrault, né le 12 janvier 1628 à Paris et mort dans cette même ville le 16 mai 1703, est un homme de lettres français, célèbre pour ses Contes de ma mère l’Oye.
Auteur de textes religieux, chef de file des Modernes dans la Querelle des Anciens et des Modernes, Charles Perrault était considéré par ses contemporains comme l'un des grands auteurs du XVIIe siècle. Il n'est plus connu aujourd'hui que pour avoir été l'un des formalisateurs du genre littéraire écrit du conte merveilleux.
Biographie
Enfance et débuts
Charles Perrault est né dans une famille bourgeoise tourangelle installée à Lyon. Son grand-père a été brodeur du roi, son père Pierre († 1652) avocat au Parlement de Paris s'est marié en 1608 à Paquette Le Clerc († 1657) qui lui donne sept enfants. Charles est le dernier de cette fratrie : Jean, l'aîné, avocat comme son père, meurt en 1669 ; Pierre (1611-1680), receveur général des finances, perd pour indélicatesse son crédit auprès de Colbert en 1664 ; Claude (1613-1688), médecin et architecte, membre de l'Académie des sciences et du Conseil des bâtiments, publie des ouvrages d'histoire naturelle et d'architecture, on lui doit notamment la colonnade du Louvre ; Nicolas (1624-1662), amateur de mathématiques et théologien, est exclu de la Sorbonne pour jansénisme en 1656 ; Marie, l’unique fille, meurt à treize ans ; il a également un frère jumeau, François, mort en bas âge, à 6 mois.
Charles Perrault est baptisé le 13 janvier 1628 en l'église Saint-Étienne-du-Mont à Paris. Son parrain est son frère Pierre et sa marraine est Françoise Pépin, sa cousine.
Il fait des études littéraires brillantes au collège de Beauvais à Paris dont il raconte, dans ses Mémoires, qu'y étant élève de philosophie, il quitta la classe à la suite d’une discussion avec son professeur, en compagnie d'un de ses camarades. Tous deux décident de ne plus retourner au collège, et ils se mettent avec ardeur à la lecture des auteurs sacrés et profanes, des Pères de l'Église, de la Bible, de l’histoire de France, faisant de tout des traductions et des extraits. C'est à la suite de ce singulier amalgame de libres études qu'il met en vers burlesques le sixième livre de l'Énéide et écrit les Murs de Troie ou l'Origine du burlesque.
Reçu avocat en 1651 après avoir obtenu sa licence de droit, il s'inscrit au barreau, mais s'ennuie bientôt de « traîner une robe dans le Palais ». En 1653, il publie avec son frère Claude un poème, « Les murs de Troie ou L'origine du burlesque ». Un an plus tard, il entre en qualité de commis chez son frère qui était receveur général des finances. Cette place lui laissant du loisir, il en profite pour se livrer à son goût pour la poésie.
Au service des Académies
Il est chargé par Colbert de la politique artistique et littéraire de Louis XIV en 1663 en tant que secrétaire de séance de la Petite Académie, puis en 1672 en tant que contrôleur général de la Surintendance des bâtiments du roi. Dès lors, Perrault use de la faveur du ministre au profit des lettres, des sciences et des arts. Il n'est pas étranger au projet d’après lequel des pensions sont distribuées aux écrivains et aux savants de France et d’Europe.
À 44 ans, il épouse une jeune femme de 19 ans, Marie Guichon, avec qui il a quatre enfants.
Perrault contribue également à la fondation de l’Académie des sciences et à la reconstitution de l’Académie de peinture. Il fait partie, dès l’origine, de la commission des devises et inscriptions qui devint l’Académie des inscriptions et belles-lettres mais à la mort de Colbert en 1683, il perd sa charge de contrôleur général et est exclu de cette Académie. Entré à l’Académie française en 1671, il y donne l’idée des jetons de présence, de rendre publiques les séances de réception et de faire les élections « par scrutin et par billets, afin que chacun soit dans une pleine liberté de nommer qui il lui plairait. » C’est lui encore qui rédige la préface du Dictionnaire de l'Académie en 1694.
Œuvres
Perrault a pratiqué plusieurs genres littéraires.
Au genre galant avec Dialogue de l’amour et de l’amitié (1660) et Le Miroir ou la Métamorphose d’Orante se sont ajoutées des poésies légères, comme le Portrait d’Iris.
Le poème intitulé le Siècle de Louis le Grand lu à l’Académie, le 27 janvier 1687 et marquant la prépondérance de l'art du siècle du Roi soleil provoque un tollé et ouvre sur la Querelle des Anciens et des Modernes.
Perrault commence en 1696 et termine cinq ans après un ouvrage intitulé Les Hommes illustres qui ont paru en France pendant ce siècle (2 vol. in-fol.), un recueil de cent deux biographies, courtes, précises et exactes, accompagnées de magnifiques portraits gravés.
Mais ce qui a fait l’immortelle popularité de Perrault, ce n’est ni son œuvre poétique, ni son travail d'historien, ni ses écrits littéraires, aujourd'hui tombés dans l'oubli, mais la série de contes publiés entre 1694 et 1697.
En 1694, il publie au sein d'une édition de Recueil de pièces curieuses et nouvelles tant en prose qu'en vers, un conte en vers, Peau d'âne.
En 1696 paraît dans le Mercure galant le conte en prose La Belle au bois dormant.
En 1697, il publie un volume contenant les huit contes en prose : La Belle au bois dormant, Le Petit Chaperon rouge, La Barbe bleue, Le Maître chat ou le Chat botté, Les Fées, Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre (graphie de l'édition originale), Riquet à la houppe et Le Petit Poucet.
Le petit volume intitulé Contes de ma mère l’Oye, ou Histoires du temps passé et publié par lui en 1697 sous le nom de son jeune fils, Perrault d’Armancourt, fait l'objet de contrefaçons dès la première année.
2 versions
Le petit chaperon rouge
Charles Perrault
Il était une fois une petite fille de village, la plus jolie qu’on eût su voir ; sa mère en était folle, et sa mère-grand plus folle encore. Cette bonne femme lui fit faire un petit chaperon rouge, qui lui seyait si bien, que partout on l’appelait le Petit Chaperon rouge.
Un jour, sa mère, ayant cuit et fait des galettes, lui dit : Va voir comme se porte ta mère-grand, car on m’a dit qu’elle était malade. Porte-lui une galette et ce petit pot de beurre.
Le Petit Chaperon rouge partit aussitôt pour aller chez sa mère-grand, qui demeurait dans un autre village. En passant dans un bois elle rencontra compère le Loup, qui eut bien envie de la manger ; mais il n’osa, à cause de quelques bûcherons qui étaient dans la forêt. Il lui demanda où elle allait ; la pauvre enfant, qui ne savait pas qu’il est dangereux de s’arrêter à écouter un loup, lui dit : Je vais voir ma Mère grand, et lui porter une galette, avec un petit pot de beurre, que ma Mère lui envoie. Demeure-t-elle bien loin ? lui dit le Loup. Oh ! oui, dit le
Petit Chaperon rouge, c’est par-delà le moulin que vous voyez tout là-bas, à la première maison du Village. Eh bien, dit le Loup, je veux l’aller voir aussi ; je m’y en vais par ce chemin-ci, et toi par ce chemin-là, et nous verrons qui plus tôt y sera. Le loup se mit à courir de toute sa force par le chemin qui était le plus court, et la petite fille s’en alla par le chemin le plus long, s’amusant à cueillir des noisettes, à courir après des papillons, et à faire des bouquets des petites fleurs qu’elle rencontrait.
Le loup ne fut pas longtemps à arriver à la maison de la Mère-grand; il heurte : Toc, toc. Qui est là ? C’est votre fille le Petit Chaperon rouge (dit le Loup, en contrefaisant sa voix) qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère vous envoie. La bonne Mère-grand, qui était dans son lit à cause qu’elle se trouvait un peu mal, lui cria : Tire la chevillette, la bobinette cherra. Le Loup tira la chevillette et la porte s’ouvrit. Il se jeta sur la bonne femme, et la dévora en moins de rien ; car il y avait plus de trois jours qu’il n’avait mangé. Ensuite
il ferma la porte, et s’alla coucher dans le lit de la Mère-grand, en attendant le Petit Chaperon rouge, qui quelque temps après vint heurter à la porte. Toc, toc. Qui est là ? Le Petit Chaperon rouge, qui entendit la grosse voix du Loup eut peur d’abord, mais croyant que sa Mère-grand était enrhumée, répondit : C’est votre fille le Petit Chaperon rouge, qui vous apporte une galette et un petit pot de beurre que ma Mère vous envoie. Le Loup lui cria en adoucissant un peu sa voix : Tire la chevillette, la bobinette cherra. Le Petit Chaperon rouge tira la chevillette, et la porte s’ouvrit.
Le Loup, la voyant entrer, lui dit en se cachant dans le lit sous la couverture : Mets la galette et le petit pot de beurre sur la huche, et viens te coucher avec moi. Le Petit Chaperon rouge se déshabille, et va se mettre dans le lit, où elle fut bien étonnée de voir comment sa Mère-grand était faite en son déshabillé.
Elle lui dit : Ma mère-grand, que vous avez de grands bras ? C’est pour mieux t’embrasser, ma fille. Ma mèregrand, que vous avez de grandes jambes ? C’est pour mieux courir, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grandes oreilles ? C’est pour mieux écouter, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grands yeux ? C’est pour mieux voir, mon enfant. Ma mère-grand, que vous avez de grandes dents. C’est pour te manger.
Et en disant ces mots, ce méchant Loup se jeta sur le Petit Chaperon rouge, et la mangea.
MORALITÉ
On voit ici que de jeunes enfants,
Surtout de jeunes filles
Belles, bien faites, et gentilles,
Font très mal d’écouter toute sorte de gens,
Et que ce n’est pas chose étrange,
S’il en est tant que le Loup mange.
Je dis le Loup, car tous les Loups
Ne sont pas de la même sorte ;
Il en est d’une humeur accorte,
Sans bruit, sans fiel et sans courroux,
Qui privés, complaisants et doux,
Suivent les jeunes Demoiselles
Jusque dans les maisons, jusque dans les ruelles ;
Mais hélas ! qui ne sait que ces Loups doucereux,
De tous les Loups sont les plus dangereux
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Le petit chaperon rouge
Les frères Grimm
Il était une fois une adorable petite fille que tout le monde aimait rien qu’à la voir, et plus que tous, sa grand-mère, qui ne savait que faire ni que donner comme cadeaux à l’enfant. Une fois, elle lui donna un petit chaperon de velours rouge et la fillette le trouva si joli, il lui allait si bien, qu’elle ne voulut plus porter autre chose et qu’on ne l’appela plus que le Petit Chaperon rouge.
Un jour, sa mère lui dit :
- Tiens, Petit Chaperon rouge, voici un morceau de galette et une bouteille de vin : tu iras les porter à ta grand-mère ; elle est malade et affaiblie, et elle va bien se régaler. Fais vite, avant qu’il fasse trop chaud. Et sois bien sage en chemin, et ne va pas sauter de droite et de gauche, pour aller tomber et me casser la bouteille de grand-mère, qui n’aurait plus rien. Et puis, dis bien bonjour en entrant et ne regarde pas d’abord dans tous les coins.
- Je serai sage et je ferai tout pour le mieux, promit le Petit Chaperon rouge à sa mère, avant de lui dire au revoir et de partir.
Mais la grand-mère habitait à une bonne demi-heure du village, tout là-bas, dans la forêt ; et lorsque le Petit Chaperon rouge entra dans la forêt, ce fut pour rencontrer le loup. Mais elle ne savait pas que c’était une si méchante bête et elle n’avait pas peur.
- Bonjour, Petit Chaperon rouge, dit le loup.
- Merci à toi, et bonjour aussi, loup.
- Où vas-tu de si bonne heure, Petit Chaperon rouge ?
- Chez grand-mère.
- Que portes-tu sous ton tablier, dis-moi ?
- De la galette et du vin, dit le Petit Chaperon rouge ; nous l’avons cuite hier et je vais en porter à grand- mère, parce qu’elle est malade et que cela lui fera du bien.
- Où habite-t-elle, ta grand- mère, Petit Chaperon rouge ? demanda le loup.
- Plus loin dans la forêt, à un quart d’heure d’ici ; c’est sous les trois grands chênes, et juste en dessous, il y a des noisetiers, tu reconnaîtras forcément, dit le Petit Chaperon rouge.
Fort de ce renseignement, le loup pensa : “ Un fameux régal, cette mignonne et tendre jeunesse ! Grasse chère, que j’en ferai : meilleure encore que la grand-mère, que je vais engloutir aussi. Mais attention, il faut être malin si tu veux les déguster l’une et l’autre. ”
Telles étaient les pensées du loup tandis qu’il faisait un bout de conduite au Petit Chaperon rouge.
Puis il dit, tout en marchant :
- Toutes ces jolies fleurs dans le sous-bois, comment se fait-il que tu ne les regardes même pas, PetitChaperon rouge ? Et les oiseaux, on dirait que tu ne les entends pas chanter ! Tu marches droit devant toi comme si tu allais à l’école, alors que la forêt est si jolie !
Le Petit Chaperon rouge donna un coup d’œil alentour et vit danser les rayons du soleil à travers les arbres, et puis partout, partout des fleurs qui brillaient. “ Si j’en faisais un bouquet pour grand- mère, se dit-elle, cela lui ferait plaisir aussi. Il est tôt et j’ai bien le temps d’en cueillir. ” Sans attendre, elle quitta le chemin pour entrer dans le sous-bois et cueillir des fleurs ; une ici, l’autre là, mais la plus belle était toujours un peu plus loin, et encore plus loin dans l’intérieur de la forêt.
Le loup, pendant ce temps, courait tout droit à la maison de la grand-mère et frappait à sa porte.
- Qui est là ? cria la grand- mère.
- C’est moi, le Petit Chaperon rouge, dit le loup ; je t’apporte de la galette et du vin, ouvre- moi !
- Tu n’as qu’à tirer le loquet, cria la grand-mère. Je suis trop faible et ne peux me lever.
Le Loup tira le loquet, poussa la porte et entra pour s’avancer tout droit, sans dire un mot, jusqu’au lit de la grand-mère, qu’il avala. Il mit ensuite sa chemise, s’enfouit la tête sous son bonnet de dentelle, et se coucha dans son lit, puis tira les rideaux de l’alcôve.
Le Petit Chaperon rouge avait couru de fleur en fleur, mais à présent son bouquet était si gros que c’était tout juste si elle pouvait le porter. Alors elle se souvint de sa grand-mère et se remit bien vite en chemin pour arriver chez elle. La porte ouverte et cela l’étonna. Mais quand elle fut dans la chambre, tout lui parut de plus en plus bizarre et elle se dit : “ Mon dieu, comme tout est étrange aujourd’hui ! D’habitude, je suis si heureuse quand je suis chez grand-mère ! ” Elle salua pourtant :
- Bonjour, grand-mère ! Mais comme personne ne répondait, elle s’avança jusqu’au lit et écarta les rideaux.
La grand-mère y était couchée, avec son bonnet qui lui cachait presque toute la figure, et elle avait l’air si étrange.
- Comme tu as de grandes oreilles, grand-mère !
- C’est pour mieux t’entendre.
- Comme tu as de gros yeux, grand-mère !
- C’est pour mieux te voir, répondit-elle.
- Comme tu as de grandes mains !
- C’est pour mieux te prendre, répondit-elle.
- Oh ! Grand-mère, quelle grande bouche et quelles terribles dents tu as !
- C’est pour mieux te manger, dit le loup, …
..qui fit un bond hors du lit et avala le pauvre Petit Chaperon rouge d’un seul coup.
Sa voracité satisfaite, le loup retourna se coucher dans le lit et s’endormit bientôt, ronflant de plus en plus fort. Le chasseur, qui passait devant la maison l’entendit et pensa : “ Qu’a donc la vieille femme à ronfler si fort ? Il faut que tu entres et que tu voies si elle a quelque chose qui ne va pas. ”
Il entra donc et, s’approchant du lit, vit le loup qui dormait là.
- C’est ici que je te trouve, vieille canaille ! dit le chasseur. Il y a un moment que je te cherche...
Et il allait épauler son fusil, quand, tout à coup, l’idée lui vint que le loup avait peut-être mangé la grand- mère et qu’il pouvait être encore temps de la sauver. Il posa son fusil, prit des ciseaux et se mit à tailler le ventre du loup endormi. Au deuxième ou au troisième coup de ciseaux, il vit le rouge chaperon qui luisait. Deux ou trois coups de ciseaux encore, et la fillette sortait du loup en s’écriant :
- Ah ! Comme j’ai eu peur ! Comme il faisait noir dans le ventre du loup !
Et bientôt après, sortait aussi la vieille grand-mère, mais c’était à peine si elle pouvait encore respirer. Le Petit Chaperon rouge se hâta de chercher de grosses pierres, qu’ils fourrèrent dans le
ventre du loup. Quand celui-ci se réveilla, il voulut bondir, mais les pierres pesaient si lourd qu’il s’affala et resta mort sur le coup.
Tous les trois étaient bien contents : le chasseur prit la peau du loup et rentra chez lui ; la grandmère mangea la galette et but le vin que le Petit Chaperon rouge lui avait apportés, se retrouvant bientôt à son aise. Mais pour ce qui est du Petit Chaperon elle se jura : “ Jamais plus de ta vie tu ne quitteras le chemin pour courir dans les bois, quand ta mère te l’a défendu. »
Musique : Le petit chaperon roue -Version instrumentale
Clémentine au pays des contes - 1,96 Mo - 2 mn 10 :
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