Le conte de Pierre Lapin de Beatrix Potter (1902)
Il était une fois quatre petits lapins. Ils s'appellaient Flopsy, Mopsy, Dropsy et Pierre. Ils vivaient avec leur Maman dans un talus sableux sous les racines d'un grand sapin.
"Mes chers petits" dit un matin la vieille Maman Lapin, "vous pouvez aller dans les champs ou descendre le chemin, mais n'allez surtout pas dans le jardin du paysan Poupon ! Votre père y a eu un accident et a fini dans un pâté en croûte de la paysanne Poupon !
Je dois sortir. Allez maintenant, et ne faites pas de bêtises !"
Madame Lapin prit son panier et son ombrelle et partit à travers bois. Chez le boulanger, elle acheta une miche de pain de mie et cinq gâteaux aux groseilles.
Flopsy, Mopsy et Dropsy, qui étaient de sages petits lapins, descendirent le long du chemin, pour cueillir des mûres.
Mais Pierre qui était très désobéissant, courut droit au jardin du paysan Poupon et se faufila sous la barrière.
Il mangea d'abord des laitues et des haricots verts. Enfin il mangea des radis.
Puis, comme il ne se sentait pas bien, il chercha un peu de persil.
Mais au bout du plan de concombres, il tomba nez à nez avec le paysan Poupon.
Le paysan était à quatre pattes en train de planter des choux. Il bondit et poursuivit Pierre en criant : "Au voleur !"
Pierre, terrifié, courut en tous sens à travers le jardin, ne trouvant plus le chemin de la barrière.
Il perdit une chaussure dans les choux et une autre dans les pommes de terre.
Ses chaussures perdues, il se mit à quatre pattes et courut si vite que je crois qu'il aurait réussi à s'enfuir s'il n'avait pas eu la malchance de tomber dans le filet à groseilles, où les gros boutons de sa veste restèrent accrochés. C'était une veste bleue toute neuve, avec des boutons dorés.
Le pauvre Pierre se crut perdu. Il pleura de grosses larmes. Ces sanglots attirèrent l'attention de quelques moineaux qui volèrent vers lui et l'encouragèrent à encore essayer de se libérer du filet à groseilles.
Le paysan Poupon arrivait avec une passoire pour rattraper Pierre. Mais Pierre s'échappa juste à temps, abandonnant sa veste derrière lui.
Il courut jusqu'à l'atelier et sauta dans un arrosoir. Cela aurait été une cachette magnifique si l’arrosoir n'avait pas été à moitié rempli d’eau !
Le paysan était sûr que Pierre était dans l'atelier. Peut-être caché sous un pot de fleurs. Il commença à les retourner avec soin, un par un.
C'est alors que Pierre éternua ..... atchoum ! Le paysan se précipita vers lui et essaya de lui marcher dessus. Mais Pierre sauta par la fenêtre, renversant trois plantes au passage. La fenêtre était trop étroite pour le paysan qui, fatigué de courir après Pierre, décida de retourner à son travail.
Pierre était hors d’haleine et tremblait de peur ! Il s’assit pour se reposer. Il ne savait plus quel chemin prendre pour rentrer chez lui. Et aussi, il était tout mouillé à cause de l’eau de l’arrosoir.
Pierre découvrit une porte le long d'un mur, mais elle était fermée et il n'y avait pas assez d'espace au-dessous pour qu'un petit lapin bien gras puisse s’y faufiler.
Une vieille souris allait et venait en courant sous la porte, en portant petits pois et haricots pour sa famille qui vivait dans les bois. Pierre lui demanda le chemin de la barrière, mais elle avait un petit pois dans la bouche, si gros qu'elle ne put lui répondre.
Elle hocha seulement la tête en le regardant. Pierre se mit à pleurer.
Puis, il essaya de trouver son chemin, droit à travers les jardins. Mais il était de plus en plus perdu. Il arriva au bord d'une mare, où le paysan Poupon remplissait d’habitude ses arrosoirs. Une chatte, blanche, regardait un poisson rouge. Elle était assise, immobile et de temps en temps le bout de sa queue blanche s'agitait comme si elle seule était animée. Pierre pensa qu'il valait mieux s'en aller sans lui adresser la parole. Il avait entendu parler des chats par son cousin, le petit Ben Bunny.
Il repartait vers l'atelier quand, tout à coup, tout près de lui, il entendit le bruit d'une houe - scratch... scratch... Pierre se cacha sous les buissons, puis, comme si de rien n’était, il sortit, monta sur une brouette et regarda autour de lui. La première chose qu'il vit : le paysan Poupon, en train de sarcler les oignons. Il tournait le dos à Pierre et, là-bas, droit devant le paysan il vit la barrière !
Pierre descendit silencieusement de la brouette et se mit à courir aussi vite qu'il put, le long du mur derrière les cassis.
Le paysan l'aperçut au coin du mur, mais Pierre, sans s'inquiéter, se faufila sous la barrière ! Il était enfin hors du jardin et en sécurité dans les bois.
Le paysan Poupon alla suspendre la petite veste et les chaussures du petit lapin pour en faire un épouvantail, pour faire peur aux corbeaux.
Et Pierre, sans s'arrêter ni se retourner, courut jusque chez lui, dans la maison sous le sapin.
Il était si fatigué qu'il s'allongea sur le sable doux du terrier, et ferma les yeux. Sa maman, qui préparait le dîner, se demandait ce qu'il avait fait de ses vêtements. C'était la deuxième veste et la deuxième paire de chaussures qu'il perdait en quelques jours.
Je dois dire que Pierre, maintenant, était un peu malade.
Sa maman le mit au lit, après lui avoir préparé du chocolat chaud, dont elle lui donna une bonne tasse.
"Bois cela, chéri, et repose-toi bien" lui dit Maman Lapin.
Mais Flopsy, Mopsy et Dropsy, avaient du pain, du lait et des mûres pour leur dîner...
Beatrix Potter (1866 - 1943)
Helen Beatrix Potter, simplement appelée Beatrix Potter, née dans les Bolton Gardens, quartier sud de Kensington (district de Londres), le 28 juillet 1866 et morte à Sawrey, dans le comté de Cumbria, le 22 décembre 1943, est une naturaliste, illustratrice et écrivaine britannique. Elle est principalement connue pour ses livres destinés à la jeunesse dont les plus connus sont Pierre Lapin et Jeannot Lapin.
Beatrix Potter est la fille de Rupert et d'Helen Potter, famille de la bourgeoisie enrichie par l'industrie cotonnière du Lancashire. Elle est éduquée à domicile, où ses parents lui transmettent l’amour de l’art et des activités artistiques ; enfant, Beatrix rencontre peu d'enfants de son âge.
Son père, Rupert est un riche avocat et un photographe amateur, féru d'art, qui emmène sa fille et son fils Bertram aux expositions de la Royal Academy.
Le peintre préraphaélite John Millais est un ami de la famille qui l'encourage à poursuivre ses activités de dessinatrice. Beatrix est littéralement en adoration devant son tableau Ophelia qui est à ses yeux « une des plus merveilleuses peintures au monde ».
De novembre 1878 à mai 1883, les parents de Beatrix l'inscrivent à la National Art Training School (maintenant devenue le Royal College of Art) pour qu'elle y suive des cours de dessin.
Les mois d'été, la famille s'installe à Wray Castle, près d'Ambleside, dans le Lake District, au nord de l'Angleterre. C’est un véritable paradis pour la jeune fille qui trompe son ennui grâce à l'étude de la nature : herbier, collection de fossiles ou d'insectes, approfondissant ses connaissances scientifiques.
C'est également à Wray Castle, que Beatrix, à ses 16 ans, fait la rencontre, déterminante, du prêtre anglican Hardwicke Rawnsley. Ce grand amoureux de la région des Lacs milite pour la protection de l'environnement et fondera en 1895 le National Trust. Il encourage son goût du dessin naturaliste, l'encourage à poursuivre ses recherches sur les animaux et les plantes et la pousse à fréquenter le British Museum.
Beatrix se passionne pour la mycologie. Pendant des années, elle récolte des spécimens, les dissèque, les dessine dans les moindres détails et développe bientôt une théorie sur la propagation des lichens selon laquelle l'association lichénique entre algues et champignons est mutualiste. Soutenue par son oncle, le chimiste Sir Henry Enfield Roscoe, elle présente ses recherches aux botanistes des Jardins botaniques royaux de Kew, en pure perte : elle est victime de l'ostracisme d'une communauté scientifique, car elle est une femme et cela la relègue au rang d'amateur. La Linnean Society of London organise une conférence autour de ses recherches à laquelle elle n'aura pas, en tant que femme, le droit d'assister, c'est un ami qui présente son article : On the Germination of the Spores of the Agaricinea / De la germination des spores de l'agaricinée.
Elle a légué plus de 450 dessins naturalistes à l'Armitt Museum Gallery d'Ambleside.
En 1890, sur le conseil d'Hardwicke Rawnsley, elle crée, à partir de ses dessins d'animaux et de plantes, ses premières cartes de vœux et les envoie à Hildesheimer & Faulkner (Siegmund Hildesheimer, un éditeur londonien spécialisé dans les cartes de vœux et de Noël ; l'éditeur conquis envoie un chèque de 6 £ et lui commande d'autres dessins.
En septembre 1893, Noël Moore, le fils âgé de 5 ans de sa gouvernante Annie Carter Moore, tombe malade. Pour accompagner sa convalescence, Beatrix lui compose l'histoire de quatre petits lapins nommés Flopsy, Mopsy, Cottontail, et Peter.
En 1900, Potter reprend son histoire des quatre petits lapins, lui donne un nouveau titre The Tale of Peter Rabbit / Le conte de Pierre Lapin et fabrique à la main un livre sur le modèle de The Story of Little Black Sambo d'Helen Bannerman, publié en 1899, qui fut un des premiers best-sellers de la littérature pour enfants. Modèle de petit format adapté aux petites mains enfantines. Beatrix propose son manuscrit à divers éditeurs, mais tous refusent, alors elle décide de le publier à compte d'auteur. Elle commande un premier tirage de 250 exemplaires en septembre 1901 pour coût de 11 £. Les livres déposés dans les librairies locales disparaissent rapidement, l'auteur de Sherlock Holmes, Arthur Conan Doyle, en achète un exemplaire pour ses enfants, le retour des lecteurs est élogieux aussi Beatrix commande un second tirage de 200 exemplaires.
Entre-temps, Frederick Warne & Co., l’un des éditeurs qui l'avaient précédemment refusé, entendant parler de son succès accepte de publier The Tale of Peter Rabbit / Le conte de Pierre Lapin avec des illustrations en couleurs. C'est ainsi qu'en octobre 1902, est édité The Tale of Peter Rabbit, trois mois plus tard, en décembre 1902, les premiers 28 000 exemplaires sont vendus. Femme d'affaires avisée, elle dépose un brevet pour une poupée à l'effigie de Pierre Lapin en 1903.
Beatrix Potter a 36 ans, vit toujours chez ses parents, mais gagne sa vie pour la première fois.
En 1905, elle achète avec ses revenus la ferme Hill Top à Near Sawrey dans le comté de Cumbria. Les dix années qui suivent verront la naissance de 23 albums. La famille de Peter Rabbit s'agrandit : Jeremy Fisher le Crapaud, Cecily Parsley, Miss Moppet et bien d'autres évoluent dans un univers souvent cruel, alors que leur auteur, reconnue, se délivre peu à peu de la tutelle pesante de ses parents.
Elle se fiance avec Norman Warne, son éditeur, à l'âge de 39 ans, mais il meurt, foudroyé par une leucémie, quelques mois après l'annonce officielle des fiançailles. En 1913, elle épouse Williams Heelis, un notaire d'Ambleside dans le Lake District. A partir de cette date, elle se consacre moins à l'écriture et à l'illustration ; elle abandonne progressivement Peter Rabbit pour se consacrer, avec son mari, à la vie rurale et en particulier à l'élevage de moutons Herdwick, race de moutons indigènes.
Elle meurt à Sawrey, en Cumbria, le 22 décembre 1943. Elle lègue au National Trust 14 fermes, 4 000 acres (16 km2) de terre, ses troupeaux de moutons Herdwick et, bien sûr, ses lapins, qui, affirmait-elle, étaient les descendants du véritable Peter Rabbit.
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