A l'ombre bleue du figuier

26 août 2019

 

Le figuier de Pascale

Le figuier de Pascale

 

 

 

 

 

La cuisine aux confitures

La cuisine aux confitures - The New Yorker - by Jenni Oliver

 

Le figuier, un arbre aux superpouvoirs

Il est connu pour être l’un des arbres les plus anciens de l'humanité. Ses larges feuilles auraient servi à couvrir les nudités d'Adam et Ève, c’est dire ! Quant à ses figues charnues, péchés mignons de Cléopâtre et aliments nutritifs des athlètes grecs lors des premiers jeux olympiques, ils figureraient parmi les plus anciens domestiqués selon une étude des sols de la vallée du Jourdain, au Proche-Orient. C’était il y a plus de 11 000 ans… avant le blé !

Le figuier, à l’aise en plaine comme en altitude
Sous nos latitudes, le vénérable végétal est cultivé par les Francs dès le VIIIe siècle notamment dans les vergers de Charlemagne. Là, il est question du figuier commun (Ficus caria), l’une des quelque 700 variétés recensées sur ses terres natales, de l’Asie au pourtour méditerranéen. Il faut dire que l’arbre se bouture facilement et se contente de peu, à l’aise en plaine comme en altitude, dans de la bonne terre comme entre des fissures de roches. Avec ses 4 à 12 mètres de hauteur, quasi autant en largeur, il est en plus apprécié pour son ombre rafraîchissante. D’ailleurs, Siddhârta Gautama, le futur Bouddha, ne s’y est pas trompé, c’est sous l’un d’eux qu’il aurait atteint l’éveil.

Les très puissantes racines du figuier étrangleur
L’asiatique figuier des pagodes a la fâcheuse habitude de pousser là où ses graines, croquées, digérées et dispersées par les oiseaux, chutent. Qu’importe si c’est sur un autre arbre. Une fois celles-ci germées, le squatteur jouit sans entraves de son support. Non seulement ses racines aériennes s’enroulent ici et là, encerclant le tronc et l’empêchant de grandir, mais une fois au sol, elles s’accaparent les nutriments contenus dans la terre. Emprisonné dans cet enchevêtrement, privé de nourriture, le malheureux arbre hôte meurt à petit feu. On parle à juste titre de figuier étrangleur.

Le figuier ne craint pas la chaleur
Les fortes températures ne lui font ni chaud ni froid. Cet arbre naturellement présent dans les régions tropicales et dans le bassin méditerranéen a besoin des rayons du soleil pour s’épanouir. Son feuillage n’en sera que plus dense et ses figues plus savoureuses et gorgées de sucre. Mais point trop n’en faut. Car s’il s’accommode de peu d’arrosage et aime avoir la tête bien au sec, il préfère garder les pieds à l’humidité des sous-sols. Les canicules successives de ces dernières années n’y ont pas trop aidé.

La pollinisation du figuier est unique
Ses graines – et futurs fruits – éclosent par centaines à l’intérieur de la figue. L’arbre ne peut donc pas compter sur le vent pour leur dispersion. Seulement sur l’assistance d’une mini-guêpe. Cette dernière pénètre par le biais d’une petite ouverture dans ce réceptacle appelé en botanique sycone, brisant au passage ses ailes et ses antennes. Une fois à l’intérieur, elle y pond ses œufs qui, une fois devenus matures, s’échappent de leur pouponnière, couverts de pollen. C’est une relation de mutualisme : le figuier a besoin du petit insecte et réciproquement.

Des fibres en béton
Ses racines très fibreuses sont largement plus longues et plus nombreuses que ses branches. Si certaines s’enfoncent à la verticale dans le sol, d’autres poussent à l’horizontale, plus ou moins en surface, et sur de longs mètres. Ce qui n’est pas sans causer des désagréments aux bâtiments alentour. Un peuple du nord-est de l’Inde, les Khasis, a appris à les "apprivoiser", les enfermant encore jeunes dans des tiges de bambou pour orienter le sens de leur croissance. Au fil du temps, les tiges s’allongent, s’épaississent, s’entrelacent au point de former des murs et des ponts ultra robustes et… vivants.

Une sève efficace contre les verrues
La sève blanche qui s’écoule des branches du figuier et des tiges de la figue est indiquée pour venir à bout des verrues, mais aussi des cors au pied. Il suffit d’appliquer chaque jour une goutte sur les lésions, de les couvrir (d’un pansement ou d’une gaze), et de renouveler l’opération jusqu’à disparition. Il convient toutefois de manier avec précaution ce latex, car il contient des molécules très irritantes, susceptibles de provoquer des réactions cutanées, aggravées par le soleil.


La figue n'est pas un fruit

Fruit, la figue ? En cuisine, peut-être. Mais d'un point de vue botanique, c'est en réalité une "inflorescence" : elle est issue du développement de l'ovaire et du réceptacle des fleurs d'un arbre, ou plutôt d'un buisson appelé "figuier commun" (de son nom scientifique, Ficus carica).

Ainsi, avant de mûrir, la figue est "une coque avec des centaines de fleurs à l'intérieur", explique à GEO Alexandre Vannereux, guide conférencier pour l'agglomération d'Alès. La figue mûre, elle, renferme sous sa paroi protectrice une multitude de petits fruits : ce sont les "grains" qui craquent sous la dent.

À noter : seuls les figuiers femelles donnent des figues comestibles (voir la reproduction de la figue), et il y a, selon les variétés, une ou deux récoltes par an. Si le figuier est un arbre "robuste" qui sait puiser l'eau efficacement grâce à ses racines très étendues, il n'est toutefois pas épargné par les maladies – la mouche du figuier (Silba adipata) peut ainsi provoquer de graves dégâts. D'où l'intérêt d'un verger conservatoire pour préserver les variétés existantes.

On recense environ 1500 variétés de figue dans le monde, principalement portées par des figuiers communs (Ficus carica) mais aussi par quelques-unes des 750 autres espèces du genre Ficus, lesquelles prennent la forme d'arbres, de lianes et d'arbustes.

Parmi ces variétés, on trouve des figues "vertes, jaunes, brunes, grises, parmes ou violettes plus ou moins foncées", énumère la Maison de la figue de Vézénobres. Dans tous les cas, on les consomme crues (un à deux jours de conservation maximum), cuites ou bien séchées.

Quelle que soit sa couleur, même verte, la figue mûre est riche en vitamines B, en fibres, en minéraux et en antioxydants. À noter : la figue, une fois récoltée, ne mûrit plus ! Dans votre jardin ou chez votre commerçant, elle doit être "parfumée, à la fois ferme et charnue, et dans l'idéal, avec une goutte de sucre perlant à sa base."

Mais au fait, que se passe-t-il dans la figue pour qu'elle mûrisse ? Pour certaines variétés de figuiers – notamment la plupart de celles vendues en jardinerie –, l'inflorescence se développe tout comme si les petites fleurs à l'intérieur de la figue avaient été fécondées. On parle alors de "parthénocarpie" : il n'y a pas besoin de pollinisation, c'est-à-dire de transport du pollen d'une fleur mâle vers une fleur femelle.

Pour les autres variétés, un autre acteur entre obligatoirement en jeu. Son rôle est d'autant plus crucial que sans brassage génétique, il y a nettement moins de différences entre les arbres d'une génération à la suivante – et donc, moins de possibilités de s'adapter face à un environnement qui change. Ce précieux entremetteur n'est autre que le blastophage, un petit insecte pollinisateur.

La femelle du blastophage naît au sein d'un figuier mâle, où elle recueille le pollen : en effet, seul le figuier mâle porte à la fois des fleurs mâles et femelles dans ses figues. Puis, de deux choses l'une. Soit elle vole jusqu'à une autre figue de figuier mâle (non comestible) où elle va pondre ses œufs, soit elle vole, pour notre plus grand bonheur culinaire, jusqu'à la figue d'un figuier femelle.

Dans les deux cas, en entrant dans la figue, la femelle insecte – déjà fécondée par son partenaire sexuel – perd ses ailes : plus jamais elle ne pourra en sortir.

Le pollen transporté par la captive va féconder les fleurs femelles, et les petits fruits vont donc pouvoir se former à l'intérieur de la figue. Dans le cas du figuier femelle, l'inflorescence sera comestible. En mangeant une figue, on consomme donc parfois un tout petit blastophage femelle – sans incidence, que l'on se rassure, sur le goût ni sur la santé.

Pour autant, on ignore toujours beaucoup de choses sur la biologie très complexe du figuier. "Il faut savoir qu'encore aujourd'hui, il y a énormément de botanistes qui continuent de travailler sur la figue", remarque Alexandre Vannereux. "C'est l'un des premiers produits que l'homme s'est approprié dans l'Histoire – et pourtant, on en apprend tous les ans sur sa reproduction, sur son développement, etc."

"Cléopâtre dont c'était le fruit préféré demanda qu'on cache dans une corbeille de fruits l'aspic devant la tuer." Maison de la figue
Arbre des dieux Dionysos et Mars respectivement dans la mythologie grecque et romaine, le figuier "entre également dans le mythe de la fondation de Rome par Rémus et Romulus", puisque "les jumeaux légendaires auraient été déposés bébé auprès d'un figuier sauvage, le figuier Ruminal, devant la grotte de Lupercal où ils seront découverts et nourris par la louve."

La figue a donné son nom à un organe Pourquoi le viscère le plus volumineux du corps humain, réalisant à la fois des fonctions d'épuration, de synthèse et de stockage (chuv.ch), s'appelle-t-il le "foie" ? Ici encore, il faut chercher du côté de la figue. "Le figuier a donné son nom au foie "ficatum" en latin, depuis qu'un éleveur romain nommé Agicius engraissa ses oies avec des figues pour obtenir un foie gras au goût particulièrement apprécié des nobles romains", explique la Maison de la figue.

"Si (le) nom grec (de l'organe), hêpar, n’entre que dans la composition de nombreux termes savants : hépatite, héparine, hépatologie, etc., et si son nom latin, jecur, n’a pas laissé de trace, la faute en revient à une recette que les Romains empruntèrent aux Grecs, l’hêpar sukôton, « le foie farci aux figues » qu’ils transformèrent en jecur ficatum", complète l'Académie française. Finalement, seul l'adjectif (ficatum) resta, prenant la place du nom !

 

 

À L'OMBRE BLEUE DU FIGUIER
Jean Ferrat


À l'ombre bleue du figuier
Passent passent les étés
À l'ombre bleue du figuier
Passent passent ils sont passés

J'étais comme les bergers
Un chien fou sur les talons
J'étais comme les bergers
Moitié blé moitié chardon
Voyant se lever le jour
J'y croyais à chaque fois
L'amour appelle l'amour
J'étais prince je suis roi

À l'ombre bleue du figuier
Passent passent les étés
À l'ombre bleue du figuier
Passent passent ils sont passés

Ivre comme les oiseaux
J'étais poussé par le vent
Ivre comme les oiseaux
Je me suis cogné souvent
J'allais cherchant dans la brume
Une lampe ou un drapeau
J'y ai laissé quelques plumes
Mais j'ai gardé mon chapeau

À l'ombre bleue du figuier
Passent passent les étés
À l'ombre bleue du figuier
Passent passent ils sont passés

À la bouche une chanson
Dans mon coeur un amour fou
À la bouche une chanson
J'ai rêvé que jusqu'au bout
On dira qui était-il
Me jetant des roses-thé
Moi je dormirai tranquille
Heureux d'avoir pu chanter

À l'ombre bleue du figuier
Passent passent les étés
À l'ombre bleue du figuier
Passent passent ils sont passés

 

Musique : A l'ombre bleue du figuier - Jean Ferrat - 2,27 Mo - 2 mn 25 :


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