Le parc du Raincy vu par Carmontelle en 1780

Entrée du Parc Les Pavillons

Entrée du Parc Les Pavillons

 

Chasse dans le Parc

Chasse dans le Parc

 

Le château, les rochers et les daims

Le château, les rochers et les daims

 

Le village russe, les écuries et le château

Le village russe, les écuries et le château

 

Un cavalier devant le château

Un cavalier devant le château

 

Le château et les rochers

Le château et les rochers

 

Le pont de fer et l'Orangerie

Le pont de fer et l'Orangerie

 

Le vieux château et l'ermitage

Le vieux château et l'ermitage

 

La porte de Chelles

La porte de Chelles

 

La grotte des bains

La grotte des bains

 

La mare et la ferme

La mare et la ferme

 

1. LE PARC DU RAINCY

Historique

Construit en 1658, le château était l'une des plus remarquables résidences autour de Paris, avec des contributeurs de niveau royal : plans de Le Vau, jardins de Le Nôtre. Les Orléans y aménagèrent en deux époques un parc à fabriques majeur.

Le château était entouré d'un domaine d'environ 300 hectare, bien plus vaste que les parcs à fabriques de la périphérie de Paris. Il était depuis 1768 entre les mains du duc d'Orléans en titre, donc au début le père du duc de Chartres, le vieux duc, dit irrévérencieusement "gros Louis" en raison de son embonpoint. Celui-ci fit d'une part agrandir le château par l'architecte Piètre, d'autre part aménager un jardin anglais avec étang, rocailles et fabriques.

En dehors de l'existence d'un château considérable, la caractéristique du parc n'était pas la multiplication de fabriques précieuses, mais son étendue, le nombre de pièces d'eau, et la présence d'un grand nombre d'animaux, d'une part dans un zoo, d'autre part des daims en liberté (dans la limite de l'enceinte), que les invités s'employaient régulièrement à traquer. Plusieurs constructions gothiques se mariaient à l'ambiance sylvestre de la périphérie. La fabrique la plus remarquable était la grotte des bains, rocaille cyclopéenne retombant sur des piliers massifs au bout d'une pièce d'eau, dans laquelle les embarcations pouvaient s'aventurer.

A la mort de son père en 1785, le duc de Chartres, qui avait fait aménager le parc Monceau, hérita du Raincy, et accéda par ailleurs au titre de duc d'Orléans. Animé de visées libérales, il voulut transformer le Raincy à l'image d'une campagne idéale, où la paysannerie ne vit pas à l'écart des princes. Des chalets et chaumières furent construits autour du château, l'ensemble composant des fermes ornées.

Sous le Directoire, le domaine fut racheté par le munitionnaire Ouvrard, une des premières fortunes de l'Empire, qui y rétablit les fastes et y reçut les visiteurs les plus éminents. Napoléon, qui n'avait que mépris pour Ouvrard, qu'il considérait non sans raison comme un exploiteur, finit par écarter ce dernier et racheta le Raincy en 1811. Mais les déboires des dernières années de règne de l'Empereur, non seulement ne lui permirent pas d'occuper le domaine, mais le conduisirent à en négliger l'entretien. A la Restauration, Louis-Philippe, fils de Philippe Égalité, racheta cette propriété familiale. Il résida quelque temps dans les Maisons russes, car le château, occupé par les Prussiens, était dans un tel état de délabrement qu'il fut abattu en 1819.

Reliquats du domaine

La ville du Raincy a été construite à l'emplacement du domaine, et les rues reprennent le tracé des allées (allée du chenil, allée des maisons russes, allée de la pièce d'eau, du jardin anglais, etc..). Le reste le plus spectaculaire est la partie du parc où a été construit le lycée, dans le quadrilatère formé par la rue Thiers, l'allée du Jardin anglais, la rue Valéry Lefebvre et le boulevard de l'Ouest. Le parc est largement ouvert à la vue depuis l'extérieur, les arbres sont magnifiques, mais on ne peut qu'entre-apercevoir la pièce d'eau depuis le boulevard Thiers.

On peut repérer des restes assez transformés aux différentes adresses (façades et toitures du chenil, des maisons du régisseur, du jardinier), et saisir l'ampleur du parc dans le plan actuel. En revanche, les éléments subsistants sont trop dispersés et trop confrontés au bâti moderne pour permettre de percevoir l'esprit du jardin anglais, pas même fugitivement.



2. PARC ET CHÂTEAU DU RAINCY

Le parc à la française du XVIIe siècle
Les gravures d’Israël Sylvestre, de Perelle et de Marot, ainsi que le plan? dit de la Palatine, montrent le parc et les jardins du château du Raincy, peut-être dessiné par Le Nôtre, dans la seconde moitié du 17e siècle. L’ordonnancement est classique et construit selon deux axes perpendiculaires. L’axe principal Nord-Est - Sud-Ouest détermine la symétrie du château en partageant la cour et l’avant-cour avant de se prolonger en direction de Livry par une allée forestière. Devant la façade principale du château, en direction de Villemomble, s’étend un parterre centré sur un bassin qui aboutit, au-delà d’un champ, à une vaste pièce d’eau. Le château est flanqué à l’Ouest d’un parterre de broderie "à l’anglaise". Des jardins fruitiers et potagers, des vergers se disposent selon un quadrillage régulier. Les communs se trouvent près du fossé est du château. Derrière eux se trouve la "vieille grotte" en demi-lune suivi d’une grotte de plan rectangulaire, peut-être plus récente.

Le parc à l’anglaise des ducs d’Orléans
Les plans du 18e siècle montrent que le parc connaît peu d’évolution avant le rachat du château par le duc d’Orléans en 1769. Les travaux réalisés en 1781, sous la direction de l’architecte Piètre et du jardinier Pottier, conservent au parc ses deux axes de construction du 17e siècle. D’importants aménagement sont réalisés afin d’amener l’eau à une rivière artificielle. C’est notamment à cette fin que sont construits les aqueducs Saint-Fiacre et du Martelet. Entre le réservoir - la pièce d’eau qu’enserrent les deux bras de la rivière artificielle dont le tracé est modifié - et le château, un petit jardin à l’anglaise a remplacé les grottes. Des tapis verts remplacent les parterres situés au sud du château et occupent l’avant-cour. A l’Ouest, les parterres et jardins sont partiellement remplacés par un "bosquet de fleuriste". De nouvelles constructions sont édifiées dans le parc : la tour du Moulin, de plan octogonal, au bout d’une allée venant de la grille de Paris ; la "maison de M. Champeaux", flanquée d’une tourelle, du côté de Chelles ; une orangerie du côté de Villemomble.
En 1786, le nouveau duc d’Orléans confie au jardinier écossais Thomas Blaikie la transformation du parc. Les travaux s’achèvent avec la mort de Philippe-Égalité.

Les aménagements du XIXe siècle
Ils sont repris par Ouvrard après la Révolution. Une partie des travaux de Pottier sont conservés, notamment la rivière, mais les grands axes et perspectives sont supprimés et des fabriques édifiées : le village anglais, constitué de la "maison du peintre", ou "maison du vitrier", qui subsiste peut-être aujourd’hui au 3 boulevard du Nord, du "pavillon? de l’horloge" (7 boulevard du Nord), de la "maison du fontainier", de la "maison du serrurier" et de la "maison du régisseur", qui subsiste très modifiée ; les maisons russes, pavillons reliés entre eux par des galeries ; le logement des cerfs ; la pompe à feu, détruite entre 1838 et 1855 ; l’hermitage, pont couvert au-dessus de la rivière ; la maison de Hudson, garde général du parc, disparue avant 1838 ; le pavillon de la boucherie, glacière surmontée d’un pavillon carré servant de boucherie après les chasses ; le pavillon de l’Ile, pavillon chinois sur une île du réservoir ; la maison du gouverneur, ancienne maison Champeaux, à laquelle est ajouté un billard en 1790, les bâtiments ayant disparu avant 1814 ; le chenil, d’inspiration gothique, en grande partie conservé ; le rocher, rocaille démolie à la Révolution et transformée en glacière ; le pont de l’Orangerie, pont de fer détruit entre 1838 et 1852 ; le Rendez-vous, rendez-vous de chasse figuré en 1790 dans la partie du parc procédant de l’agrandissement des années 1781-1790 et démoli après 1814. Les entrées du parc sont marquées de portes : la porte de Paris, deux corps de bâtiments se prolongeant par des écuries - l’ensemble étant démoli vers 1875 - qui les relient au Tourne-Bride, une cour bordée de trois bâtiments disposés en triangle dont le dernier, la forge, subsiste jusqu’en 1972 ; la porte de Livry, une grille flanqué du logis du portier, démolie vers 1960 ; la porte de Chelles, attestée en 1781, reconstruite à l’image d’une porte de ville fortifiée, qui existe encore en 1854 ; la porte de Montfermeil, édifié sous Louis-Philippe lors de l’agrandissement du parc en direction de Montfermeil, démolie entre 1850 et 1875 ; la porte de Villemomble, attestée en 1781, modifiée en 1790, démolie entre 1860 et 1875 ; la porte de Gagny, attestée de 1781 à 1814, mais sans construction associée. Deux pavillons de garde précèdent la porte de Paris. Le parc comprend également une orangerie, disparue en 1860 ; il est occupé par des statues et des vases, notamment quatre vases de marbres blanc de 1,46 m de haut dont deux, à décors de tête de béliers ornent aujourd’hui la place de l’église. Le jardin de la porte de Gagny, près de la maison du gouverneur, abrite des cultures fruitières en espaliers. Le petit jardin anglais est un jardin clos dont l’entrée est décorée de deux colonnes doriques surmontées chacune d’un globe de verre servant de fanal.



3. CARMONTELLE

Louis Carrogis de Carmontelle, né le 15 août 1717 à Paris et mort dans la même ville le 26 décembre 1806, est un peintre, dessinateur, graveur, auteur dramatique et architecte-paysagiste français.

Grand ordonnateur des fêtes du duc d'Orléans, célèbre pour ses portraits de profil comme pour ses petites comédies improvisées appelées Proverbes, il est connu également pour avoir peint des transparents, inspirés de la lanterne magique, et pour avoir agencé le parc Monceau de Paris.

Biographie
Né d’un père maître cordonnier d’origine ariégeoise, Louis Carrogis apprend la peinture et le dessin en autodidacte et trouve un emploi de tuteur en mathématiques auprès des enfants de la noblesse. Il participe à la guerre de Sept Ans en qualité de topographe, tout en occupant ses loisirs à croquer les soldats de son régiment. De retour à Paris en 1763, il entre au service du duc d'Orléans en tant que lecteur.

« Cette place de lecteur était subalterne, écrit Madame de Genlis, puisqu'elle ne donnait pas le droit de manger avec les princes, même à la campagne. Ainsi que le docteur Tronchin, M. Carmontelle jouissait de la distinction de venir tous les soirs prendre des glaces avec le Prince et les personnes de la cour. »

Carmontelle se fait cependant apprécier pour son esprit et pour son habileté à portraiturer les personnages, petits et grands, qui fréquentent la cour. Son principal emploi consiste à orchestrer les fêtes et les divertissements dont raffole la noblesse. À l'aide d'un dispositif qu'il a lui-même inventé, il fait défiler des paysages transparents devant les invités du duc. Il improvise des comédies dont les acteurs sont choisis parmi l'assistance, tandis que les spectateurs sont invités à deviner les proverbes qui en forment la trame. Certaines de ses pièces sont mises en musique par Jean-Benjamin de Laborde et représentées dans les théâtres privés des grandes courtisanes.

En 1785, à la mort du duc d'Orléans, il se retrouve au service de son fils, le duc de Chartres et futur Philippe Égalité, pour lequel il dessine les plans du parc Monceau et en conçoit les folies. Lorsque le duc de Chartres est guillotiné en 1793, Carmontelle prend sa retraite dans un petit logement de la rue Vivienne à Paris, où il meurt treize ans plus tard le 26 décembre 1806.

Son œuvre
L'œuvre de Carmontelle, surtout connue pour ses petites pièces de théâtre dénommées proverbes, est très diverse. Avec ses portraits, elles témoignent d'un esprit d'observation très fidèle à la réalité. Carmontelle dit vouloir rendre le ton de la conversation, sans chercher à faire stylé. Malgré la vérité de ses textes, il lui sera reproché d'être plat, commun par trop de naturel.

L'art de Carmontelle est dans la reproduction de ce qu'il voit, souvent par le biais de la miniature, comme dans ses jardins. Ses talents d'imitateur se cachent derrière une sensation de naturel que donne son travail, un examen attentif les faisant ressortir. Son art cherche à s'effacer, pour donner l'illusion de la réalité, comme le fait aujourd'hui une photographie, technique qu'il a d'ailleurs pressentie, par ses travaux d'optique et par ses transparents et ses chambres noires.

Les portraits
On connaît de lui plus de 750 portraits. Le baron Grimm, qui posa lui-même pour Carmontelle en 1769, écrit à leur propos :

« M. de Carmontelle se fait depuis plusieurs années un recueil de portraits dessinés au crayon et lavés en couleurs de détrempe. Il a le talent de saisir singulièrement l’air, le maintien, l’esprit de la figure plus que la ressemblance des traits. Il m’arrive tous les jours de reconnaître dans le monde des gens que je n’ai jamais vus que dans ses recueils. Ces portraits de figures, toutes en pied, se font en deux heures de temps avec une facilité surprenante. Il est ainsi parvenu à avoir le portrait de toutes les femmes de Paris, de leur aveu. Ses recueils, qu’il augmente tous les jours, donnent aussi une idée de la variété des conditions ; des hommes et des femmes de tout état, de tout âge s’y trouvent pêle-mêle, depuis M. le Dauphin jusqu’au frotteur de Saint-Cloud. »

Cent ans plus tard, cette analyse de Grimm se trouve en large partie confirmée par deux historiens de l'art :

« Ces portraits faits généralement de profil, en pied, de format in-folio, sont d'une ressemblance très fidèle, bien que terre à terre et sans grand style. Au crayon, lavés d'aquarelle, rehaussés quelquefois de pastel ou de gouache, ces dessins forment une galerie des plus curieuses et des plus intéressantes, particulièrement pour les descendants du duc d'Orléans, puisque ce sont les amis de leur famille. »

Carmontelle, qui ne monnayait pas ses portraits et aimait à en distribuer des copies à ses amis, avait soin d'en conserver les originaux, de sorte que la majeure partie en fut préservée, pour être recueillie par la suite à Chantilly au musée Condé et à Paris au musée Carnavalet. Beaucoup d'entre eux furent reproduits par des graveurs de renom, l'un des plus célèbres étant La Malheureuse Famille Calas, gravée en 1765 par Jean-Baptiste Delafosse.

L'estampe des Calas
Cette année-là, un proche de Voltaire et de Diderot, Étienne Noël Damilaville, a l'idée de lever une souscription pour venir en aide à la famille Calas, dont il estime le père injustement condamné au supplice. Les souscripteurs, que Grimm et ses amis s'empressent de solliciter dans toute l'Europe, y compris en Russie, recevront en échange de leurs dons un portrait de Madame Calas, que Carmontelle a accepté de dessiner.

Au mois d'avril, soit quelques jours après le jugement de réhabilitation obtenu grâce aux efforts de Voltaire, Damilaville lui fait part de son projet : « Un de nos amis la dessine actuellement avec Lavaysse et toute sa famille dans un même tableau où ils seront dans une prison ». Voltaire s'enthousiasme aussitôt : « L'idée de l'estampe des Calas est merveilleuse. Je vous prie, mon cher frère, de me mettre au nombre des souscripteurs pour douze estampes ». Voltaire non seulement acheta les estampes, mais il en fit accrocher une dans l'alcôve où se trouvait son lit.

Les proverbes
Les proverbes de Carmontelle constituent par excellence un théâtre de société. A l'origine, ce ne sont guère que des canevas sur lesquels les personnages de la cour sont invités à improviser. Carmontelle lui-même y prend part en se réservant le rôle du mari avare et jaloux. Il y met tant de vérité que Frederick, duc d'York et Albany, frère du roi d'Angleterre, se serait un jour exclamé : « Cela est si parfait que si cet homme-là veut se marier, il ne trouvera jamais une femme ».

Environ une centaine de proverbes a été conservée. Ce sont des petites comédies sans prétention, à la trame légère et dépourvues de toute action dramatique. La plupart des critiques s'accordent pour ne leur trouver qu'un faible mérite littéraire. Diderot commente ainsi deux d'entre eux :

« La Rose rouge, ou Qui dit ce qu'il sait, qui donne ce qu'il a, qui fait ce qu'il peut, n'est pas obligé à davantage : Le sujet est joli et le proverbe est détestable. C'est un peintre qui fait pour enseigne une rose rouge à un marchand qui lui demande un lion d'or. Le peintre fait ce qu'il peut, le marchand donne en payement du vin qu'il a et la femme du peintre dit ce qu'elle sait.

Les Époux malheureux, ou Le Diable n'est pas toujours à la porte d'un pauvre homme : Les pauvres époux essuient successivement tout ce qu'il est possible d'imaginer de désastres, lorsque la mort subite d'un oncle les remet au-dessus de leurs affaires. C'est le fond d'une comédie charmante et du plus grand pathétique. Ah ! si ce sujet fût tombé dans la tête d'un poète, il y a de l'étoffe pour cinq bons actes bien conditionnés et bien chauds. »

Il faut attendre près d'un siècle pour que le vœu exprimé par Diderot se trouve exaucé en la personne d'Alfred de Musset. C'est lui qui insuffle aux proverbes la poésie qui leur manquait, quitte à les plagier parfois sans vergogne. On retrouve ainsi dans On ne saurait penser à tout, que Musset fait jouer pour la première fois en société en 1849, des scènes entièrement retranscrites du proverbe de Carmontelle intitulé Le Distrait.

Carmontelle a écrit aussi des instructions sur la façon d'écrire ces proverbes. Il s'agit, explique-t-il, d'un sujet, comportant diverses scènes, qui illustrent un proverbe, proverbe que l'assemblée doit deviner. Il faisait attention que la présentation imprimée ne donne pas de façon trop visible le proverbe, à tel point que les titres de ses saynètes ne le révélait pas.

Les transparents
Les transparents de Carmontelle se composent d'un long rouleau de feuilles peintes collées bout à bout. Tendu entre deux bobines et éclairé par transparence, ce rouleau défilait devant les yeux des spectateurs en leur donnant l'impression de se mouvoir à travers un charmant paysage. Leur enchantement atteignait son comble lorsqu'ils reconnaissaient, parmi les personnages qui s'y promenaient, ceux qu'ils avaient eux-mêmes incarnés dans les proverbes.

En 1801, Carmontelle présenta ses transparents à Félicité de Genlis qui écrit :

« À mon retour en France, Carmontelle vivait encore. Il vint me voir souvent à l'Arsenal et me montra cette sorte de lanterne magique si originale et de l'effet le plus agréable. Il était alors en marché pour la vendre très avantageusement en Russie. »

Jean-Christophe Bailly consacre un chapitre au transparent de Carmontelle conservé au musée du Domaine départemental de Sceaux dans son livre Le Dépaysement. Voyages en France.

Le pays d'illusions
Sur une parcelle de terrain située dans le village de Monceau, au nord-ouest de Paris, acquise en 1769 par le duc de Chartres, Carmontelle est chargé d'agencer un jardin d'agrément. Il se met au travail en 1773 et conçoit un parc dans le style anglo-chinois, que l'on appelle alors la « folie de Chartres ».

Ainsi qu'il l'explique dans un album où il défend son œuvre, qui fut vivement critiquée, son ambition était de créer « un jardin extraordinaire où seraient réunis tous les temps et tous les lieux ». Dans ce « pays d’illusions », le promeneur se voyait offrir un parcours jalonné de 17 édicules appelés fabriques. Au détour d'un chemin, il découvrait entre autres une tour avec pont-levis, une allée des tombeaux, une île des moutons, un moulin à eau en ruines, un moulin à vent hollandais, une colonnade corinthienne, un temple de Mars, des tentes tartares, un obélisque, un minaret, une pyramide égyptienne, un carrousel chinois, une naumachie. Ainsi que l'avait voulu le duc de Chartres, grand maître du Grand Orient de France, certaines de ces constructions étaient ornées en outre de symboles maçonniques.

Achevé en 1778, le parc Monceau fut par la suite plusieurs fois réaménagé, ne laissant que très peu d'éléments du jardin tel que Carmontelle l'avait conçu.



4. HISTOIRE DU RAINCY

La commune du Raincy est formée par décret impérial du 20 mai 1869 par le détachement d'une partie de Livry.

Le Raincy se trouve au milieu du pays d'Aulnoye.

Le nom du hameau provient sans doute du latin reincendere – « brûler à nouveau » – évoquant des brûlis en lisière de forêt. Le prieuré connu sous le nom de Remse fut fondé par Beaudoin de Villefix qui, aux alentours de 1130, y érigea une église pour des moines religieux de l'ordre de l'abbaye de Tiron, rattachée au diocèse de Chartres. Au XVe siècle, il est rapporté qu'une famille Julien possède un fief dans la clairière du Raincy.

En 1633, « la terre des Rincis » fut achetée par Jacques Bordier, conseiller d'État et intendant des finances du roi Louis XIII, qui fit construire en 1640, à l'emplacement de l'abbaye bénédictine tombée en ruine, un château d'une magnificence royale portant la signature de Le Vau pour l'architecture et Le Nôtre pour les jardins ; Le Brun dirigea les peintures et fresques François Perrier, Van Obstal, Charles-Alphonse Dufresnoy, Philippe de Buyster, Louis Testelin et Giovanni-Francesco Romanelli y œuvrèrent également. Les écuries pouvaient accueillirent plus de 200 chevaux, le parc faisait plus de 240 hectares, un des plus vastes de la région. Le château rivalisait avec le château de Versailles. Il coûta la somme de 4 500 000 livres, et engloutit la quasi-totalité de la fortune de Bordier. Le roi Louis XIV, accompagné de sa mère Anne d'Autriche, vint spécialement inaugurer le château, dont la notoriété était parvenue jusqu'à la cour.

Vers 1652, Bordier reçut la permission d'enclore le Parc dont jusque-là rien ne permettait de le distinguer de la vaste forêt de Bondy.

Bordier rattacha alors cette terre à celle de Bondy dont il était également le seigneur.

Après la mort de Jacques Bordier, le domaine passa en 1663 sous la suzeraineté de la princesse Palatine.

Le château était le lieu de villégiature de nombreuses personnalités éminentes : Louis XIV, Louis XV, le Grand Condé, le Tsar Pierre le Grand, la famille d'Orléans, Madame de Montesson, la courtisane écossaise Grace Elliott Dalrymple. En 1664, devant Anne de Gonzague, Molière y donna la première représentation de Tartuffe.

En 1684, la princesse décéda et le domaine revint à Louis II de Bourbon, prince de Condé ; celui-ci le vendit en 1694 au marquis de Livry, Louis Sanguin, alors premier maître d'hôtel du Roi et capitaine des chasses. Il réunit les terres de Livry et celles du Raincy, et le château devint celui de Livry.

En 1769, Louis-Philippe d'Orléans, acheta le domaine en se défaisant de son château de Bagnolet; il acquit le domaine pour 1 000 000 francs ; il n'en paya que 763 000, le reste ne fut jamais soldé. Venant d'offrir la seigneurie de Villemomble à Mademoiselle Le Marquis, dite Madame de Villemomble, avec laquelle il entretenait des liens cordiaux, et souhaitant continuer à pouvoir la rencontrer amicalement, il fit pratiquer le percement d'une porte dans le mur d'enceinte donnant sur Villemomble. Il confia la modification des intérieurs à l'architecte Henri Piètre, alors architecte ordinaire du prince.

Il fit redessiner le parc « à l'anglaise » par un certain Pottier, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis ce dernier, retiré du service, s’était fait une réputation de dessinateur de jardins anglais ; ce fut l'un des premiers parcs à l'anglaise de France.

Vers 1773, c'est ce même Pottier qui le réaménagea et l'agrémenta de cascades artificielles et y fit bâtir des dépendances telles qu'une vacherie et, spécialement sur demande du duc d'Orléans qui était très féru de chasse, un chenil. Un accord fut signé entre le président Hocquart, alors seigneur de Gagny et de Montfermeil, et Louis-Philippe d'Orléans pour la réalisation d'un aqueduc afin d'alimenter les fontaines du château; celui-ci prenait ses sources à la fontaine Martelet, le lac des Sept-Îles, et la fontaine Saint-Fiacre. Une pompe à feu fut construite par un mécanicien anglais nommé Spiring spécialement pour grossir le flux d'eau ; elle pompait une nappe située à 75 m en contrebas, cette dernière serpentait dans le parc sous forme de rivière artificielle et débouchait dans un lac où se trouvait un pavillon bâti sur un rocher en son milieu. Le mur d'enceinte était alors percé de 5 portes d'accès : les portes de Gagny, de Villemomble, de Bondy, de Chelles, et la principale, la porte de Livry au flanc de laquelle se situait un lac, une laiterie, une orangerie située dans le parc de l'actuel lycée Albert Schweitzer ; quant à la porte de Chelles, qui se situait au lieu-dit le petit Raincy, elle abritait un appartement pouvant accueillir un hôte.

L'Ermitage est nommé ainsi car d'après Charles Beauquier les jours de réception au château un domestique déguisé en ermite disait la bonne aventure aux invités.

En 1780 Carmontelle peint les paysages du parc.

En 1785, le fils de Louis-Philippe d'Orléans, Louis-Philippe Joseph d'Orléans, hérita du domaine. En 1787, il ordonna d'embellir les jardins, le parc et le château. Pour cela il fit appel à Thomas Blaikie. Ce jardinier écossais renommé, réputé notamment pour la conception du jardin de Bagatelle, dont le style était très en vogue à l'époque, transforma le parc en jardin paysager, une mode arrivant de Grande-Bretagne, et s’appliqua à répartir bosquets et plantations tout en respectant les irrégularités du terrain, comme le veut la conception de ces parcs nouvelle manière. Il y bâtit des installations agricoles, une ferme mais aussi une ménagerie, intégrées au parc paysager.

Alexander Howatson succéda à Blaikie : ce dernier le trouvait médiocre mais considérait malgré tout qu'il s'occupait avec brio des pelouses du château du Raincy dont il avait la charge.

En héritant du château, Louis-Philippe Joseph d'Orléans, le futur Philippe Égalité (1747-1793), engagea du personnel d’outre-Manche pour gérer l’ensemble des plantations et activités du parc. Le personnel et leurs familles furent logés dans des maisons individuelles et autorisés à cultiver quelques arpents de terre pour leur propre compte. Progressivement, ce que l’on appellera le « hameau anglais » se constitua et la maison dite du régisseur (18 bis boulevard du Nord) en rappelle le souvenir. Du temps de Philippe Égalité, les employés vécurent dans une espèce de vie communautaire indépendante qui, à l’époque, fut perçue comme une idée novatrice. Les historiens qui, plus tard, se pencheront sur ce fonctionnement, parleront d’un concept de parc paysager à vocation sociale.

Pendant la Révolution, en 1793, Louis-Philippe Joseph d'Orléans fut guillotiné et les sans-culottes saccagèrent le château qui représentait à leurs yeux l'opulence de la monarchie.

Sous le Directoire, le domaine passa de mains en mains d'hommes fortunés, comme l'un des frères Perrin, entrepreneur général des Maisons de jeux en France, qui le loua au munitionnaire Ouvrard.

Ouvrard confia la démolition et la reconstruction d'un édifice de taille plus modeste à l'architecte Louis-Martin Berthault. Ce dernier remania également le parc. Ouvrard y donna de somptueuses réceptions ainsi que de grandes battues auxquelles participèrent Madame de Récamier et Madame de Tallien, qu'il évoqua dans ses Mémoires de 1799. Il acquit la propriété du château en 1806 avant de faire faillite l'année suivante et dut s'en séparer au profit de Claude-Xavier Carvillon des Tillieres, qui le lui racheta. Ce dernier le recouvra en le louant au général Junot duc d'Abrantes.

En 1811, Napoléon Ier, méprisant Ouvrard qu'il considérait comme un exploiteur, racheta le parc mais le délaissa. Lors de la campagne de France, celui-ci fut occupé à la fin mars 1814 par l'armée prussienne qui y commit de nombreuses dégradations.

Le château et son parc ne furent rendus aux Orléans qu’en 1819. Louis Philippe Ier, alors duc d'Orléans, et sa sœur Adélaïde rachetèrent le domaine alors que le château était complètement détruit. Ses habitants devaient loger dans les quatre pavillons, appelés les « maisons russes », lesquels avaient été construits vers 1775-1780. Ils seront eux-mêmes dévastés en 1848, après la chute du roi.

Le 29 juillet 1830, durant la vague révolutionnaire, Louis Philippe Ier quitta son château de Neuilly habillé en bourgeois et coupa à travers champs pour se cacher dans sa propriété du Raincy. Thiers le rejoignit pour lui proposer la Couronne de France.

La révolution de février 1848 conduisit Louis Philippe Ier à abdiquer le 24 février et à quitter Paris puis la France pour s'exiler en Angleterre. La foule furieuse et affamée se précipita à l'entrée du parc. Monsieur Guinet, garde général du domaine, proposa d’ouvrir les grilles afin de lâcher les daims et les cerfs, élevés en liberté dans le parc, pour disperser la foule. Cette initiative lui fut refusée. La foule réussit à se frayer un chemin en détruisant les grilles du parc et se mit à saccager les habitations, pillant tout ce qu'elle trouvait, allant jusqu'à décimer le gibier aux abois. Pour les habitants révoltés, la prise du parc du Raincy fut alors considérée comme une victoire symbolique sur la monarchie.

En septembre 1848, les chasses de la forêt de Bondy, incluant les parties boisées du domaine du Raincy, furent louées par adjudication publique. La vénerie subsista encore un certain temps grâce à l’acquéreur du parc, Léon Bertrand. Celui-ci, grand amateur de chasse, dirigeait à Paris le Journal des Chasseurs. Pourtant, les battues qu’il organisa furent sans commune mesure avec les grandes chasses organisées par la famille d’Orléans qui avaient fait la renommée du domaine.

L'église Saint-Louis du Raincy a été aménagée dans la grange de l'ancienne ferme du Château en 1858. D'abord simple chapelle, elle a été transformée en église paroissiale en 1869 par mandement de l'évêque de Versailles.

Le 12 janvier 1853 à la suite du décret du 10 janvier 1852 ordonnant la confiscation des biens de la maison d'Orléans, le parc fut déclaré propriété nationale. Il fut loti à partir de 1854.

Le Raincy fut érigée en commune par décret impérial du 20 mai 1869 par le détachement d'une partie de Livry et la municipalité acquit le domaine vers 1880.

Enfin, l’ancien chenil, connu aujourd’hui sous le nom des « Tourelles », a été transformé en logements sociaux. Toutefois, au gré de ses promenades, le Raincéen attentif peut remarquer le chêne de l’allée des Acacias et le séquoia de l’avenue de Livry, seuls survivants des arbres du parc du château du Raincy. Il demeure peu de traces de ce parc en dehors de la maison du régisseur et de la pièce d’eau. Celle-ci est aujourd’hui intégrée dans le parc du lycée Albert Schweitzer. Citons aussi le pavillon de l’Horloge (7 boulevard du Nord), surmonté d’un clocheton, vestige d’une ancienne dépendance construite dans le parc ayant abrité, sous le Premier Empire, le général Jean Audoche Junot, duc d’Abrantès, un clocheton en vitraux situé allée des Hêtres vestige du pavillon de la boucherie là où était dépecé le gibier après les chasses.

Au début de l'urbanisation, de nombreuses familles bourgeoises et aristocrates très aisées achètent des parcelles et construisent de splendides demeures dont certaines ont subsisté jusqu'à nos jours. La commune était alors très peu peuplée et était un lieu de villégiature renommé par son histoire et apprécié pour sa verdure et son calme. Bien qu'entièrement urbanisée, la ville a su garder ces derniers caractères de nos jours.

Durant la bataille de la Marne en 1914, le général Maunoury y établit son quartier général dans l'actuelle mairie.

La ville était desservie, au début du xxe siècle par deux lignes de tramways qui avaient leur terminus en Gare du Raincy - Villemomble - Montfermeil :
- la ligne Le Raincy - Montfermeil, qui fut la dernière ligne des anciens tramways parisiens, puisqu'elle cessa son exploitation, sous le no 112, le 14 avril 1938
- La ligne 6 des Nogentais, qui reliait la ville à la place de la République à Paris.

Le décret du 7 novembre 1962 crée l'arrondissement du Raincy, la commune devenant ainsi sous-préfecture du département de Seine-et-Oise. La loi du 10 juillet 1964 définit la réorganisation administrative de la région parisienne... et le Raincy devient sous-préfecture du nouveau département de la Seine-Saint-Denis.

Depuis son urbanisation, la ville a toujours abrité une population aisée ainsi que de nombreuses personnalités.

Aujourd’hui la ville revendique son identité de ville-parc que l’urbanisation a certes banalisée mais pas effacée. Son histoire se lit toujours dans les courbes de ses allées en pente (pas de rues au Raincy !), dans la qualité de son patrimoine bâti et dans l’abondance de la végétation d’où émergent un grand nombre d’arbres remarquables. Les belles grilles ouvragées des clôtures offrent des transparences sur les jardins et permettent une heureuse continuité entre les plantations privées et publiques. Dans une banlieue pleine de contrastes, Le Raincy apparaît comme une oasis privilégiée au cœur d’un environnement moins favorisé.

Aucune rue n'est nommée comme telle au Raincy, les voies sont des allées, avenues, boulevards, villas, chemins.

Le tracé des voies reprend partiellement le plan du parc du château du Raincy : l'avenue Thiers et l'avenue de Livry sont dues à Le Nôtre et desservaient l'entrée du château ; les autres voies reprennent les allées du parc du château, dessinées à l'anglaise probablement par Thomas Blaikie ou bien par Pottier, Chevalier de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis.

Le nom des voies fait souvent référence à l'ancienne configuration du parc et à son histoire.

La ville a conservé son aspect architectural du XIXe siècle-début du XXe siècle, mais aussi sa verdure rappelant qu'elle fut d'abord un parc. On peut y observer de nombreuses demeures de maîtres où se mêlent tourelles, toitures en ardoises, jardins et voies bordées d'arbres centenaires.


 

La mare et la ferme devenue église vers 1900

La mare et la ferme devenue église vers 1900
Le 16 février 1897, 4 enfants s'aventurèrent sur la glace de la pièce d'eau ; elle céda;
deux autres tentèrent de leur porter secours et coulèrent avec eux.
La mare fut comblée en 1923.

 

La mare et la ferme en 1780... 220 ans avant !

La mare et la ferme en 1780... 220 ans avant !

 


 

Musique : Lully Jean-Baptiste - Fanfares pour le Carrousel - Prélude, Menuet, Gigue, Gavotte - 3,56 Mo - 4 mn 20 :

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Image de fond de la page : Le parc du Raincy vu par Carmontelle en 1780


 

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