C'était en 1956 !
Vidéo : Rentrée des classes - Le film de Jacques Rozier
1956
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Rentrée des classes - Le film de Jacques Rozier (1956)
Un petit village de Provence. C'est le jour de la rentrée des classes et l'écolier René Boglio n'a pas fait ses devoirs de vacances. Il fait l'école buissonnière. Dans l'après-midi, il revient à l'école et introduit dans la classe une petite couleuvre. Beau chahut des enfants, dans les rues du village, à la poursuite de René qui rend sa liberté à la couleuvre...
C'est la rentrée des classes dans un petit village provençal. René est mis au défi par un camarade de lancer son cartable dans la rivière pour 50 francs. René ne se dégonfle pas et envoie son cartable par-dessus le pont sans recevoir les 50 francs de son camarade qui s'enfuit.
René renonce à entrer en classe sans son cartable et part sur la rivière à la recherche de celui-ci. Il finit par le retrouver mais, séduit par la lumière et la fraîcheur de l'eau, décide de se laisser porter par la rivière. Il abandonne son cartable sur le bord pour suivre une vipère d'eau. Ayant capturé celle-ci dans son mouchoir, il regagne l'école.
L'instituteur note son retard sans le gronder. René se venge du camarade qui n'avait pas tenu sa promesse en glissant la vipère dans son cahier. Il est interpellé par l'instituer pour montrer son cahier de vacances. Celui-ci est bien évidemment trempé mais l'instituteur ne s'en offusque pas. Il sermonne cependant René pour l'inexactitude criante de ses réponses aux questions. René ne se démonte pas et s'en va chez lui chercher son grand-père, Susu, qui, dit-il, a fait les devoirs à sa place. L'instituteur sermonne Susu sur son manque d'instruction qui lui fait faire tant de fautes d'orthographe et le force à s'asseoir parmi les élèves pour participer à la dictée.
A ce moment, le camarade de René découvre avec terreur la vipère d'eau dans son cahier et toute la classe s'enfuit par la porte et les fenêtres. L'instituteur déclare la journée d'école terminée et rattrape rené par le col pour le pousser dans la classe afin qu'il chasse la vipère. René récupère celle-ci, effraie un peu ses camarades avec elle mais tous finissent par le suivre près de la rivière le regardant rendre la vipère à son élément naturel.
Ce court métrage qui semble toujours prendre son temps, principalement avec la longue et merveilleuse séquence où René part à la recherche de son cartable dans la rivière, contient pourtant de très nombreuses péripéties. Celles-ci sont toutes totalement imprévisibles et accordent la plus grande liberté aux personnages.
L'instituteur ne gronde jamais René pas plus lorsqu'il rentre en classe en retard et trempé ("Et là ! Monsieur Boglio est-ce que c'est une heure pour rentrer en classe ? "Eh" répond René "Très bien, c'est noté c'est bon pour une fois") que lorsqu'il reçoit son cartable rempli d'eau ou consulte le cahier de vacances trempé. Tout juste s'indigne-t-il des réponses fausses de René : "Dans votre commune on cultive l'avoine, la betterave et le riz mais ni les tomates et la vigne. Mieux encore, il ne s'offusque pas que ce soit le grand-père qui fasse les devoirs. Il dénonce seulement son manque d'instruction : "Ont marchent", "c'est Napoléon qui a dit "Ralliez-vous à mon panache blanc".
Les dix minutes d'école buissonnière de René au fil de la rivière, son bain d'eau et de lumière méritent de figurer parmi les plus belles scènes françaises du courant impressionniste au cinéma. La musique de Darius Milhaud et l'air de la reine de la nuit alternent leur rythme et leur lyrisme avec celui du bruit de l'eau et des oiseaux dans une sorte de paradis.
le raccord de la classe à la rivière : le paradis est proche.
Le raccord entre la classe où l'instituteur remarque que René manque à l'appel et la rivière où il se trouve marque sans une once de reproche ou de mauvaise conscience la liberté dont chacun peut bénéficier par moment.
"Rentrée des classes” de Jacques Rozier
Le cinéma buissonnier de Jacques Rozier prenait naturellement sa source dans cet éloge lumineux de la fugue et de la liberté. L’art de prendre son temps...
Voir ou revoir Rentrée des classes, c’est regarder le temps.
Le temps passé, d’abord, lorsque la rentrée avait lieu début octobre et que le maître d’école portait une blouse ; cette époque où le cœur du village était encore sa place principale et que les annoncés municipaux étaient fait à la criée. Parfum d’authentique suranné porté par des personnages à l’accent chantant et aux objectifs simples.
Le temps qui passe, ensuite, qui initie la narration : le premier court métrage de Jacques Rozier est avant tout un film sur la transition. Celle de la fin des vacances et du retour en classe, mais aussi, et plus profondément, de la fin de l’enfance. La date sonne comme un glas sur le visage du petit René Boglio, dont la trajectoire du regard est appuyée par une légère contre-plongée : “La rentrée des classes aura lieu lundi 3 octobre à 9 heures.” Annonce aussi inévitable que celle de la voix du destin, chez Jacques Rozier, cependant, les contraintes appellent les échappées : l’impulsive – et innocente – transgression provoquée par un pari ne peut alors rendre que plus savoureuses les quelques heures de sursis accordées à l’enfance.
Ainsi naît le troisième temps dont se pare le film, moelle poétique du récit, universel dans sa subjectivité. Les quelques heures à suivre le courant du fleuve sans en craindre les conséquences, sans se soucier d’avoir froid non plus que de maîtriser son chemin, se nimbent de la liberté insolente si chère à celui qui la filme : l’énergie de René se déploie toute en sinuosités, en facéties, qui épousent les formes de la nature et s’opposent à l’ordre strict et vertical lié à l’univers de l’école.
Tendre image de l’opposition nature/culture, l’élève buissonnier substitue à la connaissance figée prônée par le maître un savoir intuitif, exalté le temps d’une très belle scène, presque dansée, avec un serpent d’eau ; symbole de sagesse et de connaissances, ce même serpent, malicieusement introduit dans le cahier d’exercices du camarade n’ayant pas su honorer son pari, effraie l’ensemble de la classe. Véritable trouvaille plastique, cette intrusion du vivant dans l’ordre libère l’énergie contenue par la structure scolaire, et les écoliers fuyant dans les rues rappellent, le temps d’un instant, l’écoulement du fleuve.
René, bien sûr, doit grandir. La rêverie s’éloigne avec le serpent délicatement remis à l’eau par ses soins ; cela fait partie de son charme. Rentrée des classes est une flânerie généreuse et espiègle dont la fluidité insouciante évoque nos fantasmes d’enfants avec une tendresse acidulée : un instituteur qui s’insurge davantage devant les erreurs commises par un adulte que contre l’enfant qui a jugé bon de lui déléguer ses devoirs, pourquoi pas ? Jacques Rozier entrelace repères temporels précis et dilatation onirique témoignant déjà d’un goût certain pour le récit de parenthèses.
Et quoi de plus agréable, dans le cinéma, que de s’immerger dans la densité du temps ?
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Rentrée des classes - Le film de Jacques Rozier
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